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Fukushima, les écrivains en première ligne

Un an après le tsunami et l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima, les écrivains sont en première ligne dans le témoignage sur la dévastation et la contestation des choix nucléaires. État des lieux. 

C’est un pays partiellement ravagé qui prend ses quartiers d’invité d’honneur au Salon du Livre de Paris. Comment ne pas avoir en permanence à l’esprit l’anniversaire du tsunami qui a déferlé sur la côte Est le 11 mars 2011 et de l’accident nucléaire qui a suivi dans la centrale de Fukushima ? Un an après, la situation reste grave dans toute une partie de l’archipel, et le sort de la centrale n’est pas réglé. Comment les Japonais réagissent-ils ? En mars 2011, les reporters se disaient frappés par l’espèce de fatalisme imperturbable avec lequel les sinistrés faisaient face à la dévastation, en refusant de céder au désespoir et d’exhiber leur douleur. Mais cette capacité d’encaissement n’a pas empêché le débat sur le nucléaire de s’installer, ni l’opinion de contester la gestion laborieuse de la crise par les autorités et par Tepco (Tokyo Electric Power Company) en particulier. Depuis des mois, les manifestations se succèdent, et les artistes prennent la parole pour dénoncer l’incompétence du pouvoir, les failles des procédures de sécurité, le culte du secret autour du nucléaire et les mensonges assénés à la population. Certains n’avaient-ils pas anticipé depuis longtemps les menaces du nucléaire, à l’image de Kurosawa qui, dans un tableau de son film Rêves, en 1990, imaginait une explosion dans six réacteurs suite à un tremblement de terre ( !), avec une compagnie d’électricité niant l’existence de la moindre fuite ? Un scénario qui illustre la peur de la menace atomique dans un pays dont l’imaginaire a été frappé au fer par Hiroshima et Nagasaki, et qui témoigne de la conscience de la mort qui hantait le cinéaste japonais huit ans avant sa disparition, dans l’une de ses dernières œuvres.


Témoigner

Cette réactivité des écrivains s’exprime à plusieurs niveaux. D’abord, il y a le souci du témoignage, le récit du séisme et de la façon dont on réagi les Japonais. C’est ce que propose l’écrivain français Michaël Ferrier dans Fukushima, un livre saisissant écrit en quelques mois pour faire part de son expérience et de ses impressions. Le 11 mars 2011, cet enseignant en littérature à l’Université de Tokyo est chez lui, dans la capitale, avec sa compagne. « En début d’après-midi, écrit-il, la vibration des fenêtres. Quelque chose s’ouvre, grogne, frémit, demande à sortir ». Il explique le bruit terrifiant du séisme, comparable à celui d’un roulement de tambours, et l’espèce de guerre psychologique qui s’installe pendant plusieurs semaines, avec les répliques régulières qui dureront jusqu’au 8 juin. Bientôt, la nouvelle de l’accident de Fukushima se répand partout dans le pays. Les tokyoïtes, disciplinés mais inquiets, se ruent sur les denrées de première nécessité, et ceux qui ont les moyens partent à Hong Kong, par précaution. Lui, après un crochet par Kyoto où il est accueilli par le traducteur Sylvain Cardonnel, décide de ne pas rentrer en France et d’aller plutôt sur la zone sinistrée, avec du matériel de secours et des vivres. En camionnette, il explore les côtes frappées par la vague, avec leurs étendues gigantesques de débris qui, dans certaines localités, équivalent à… 23 ans de ramassage des ordures. Tout est recouvert de boue (hedoro, « la boue spéciale du tsunami »), l’odeur est parfois insoutenable, la géographie du pays est étrangement remodelée (côtes transformées, routes indiquées par le GPS disparues), et on est stupéfié par le bruit du vent que plus aucun obstacle n’arrête, tout ayant été mis par terre…


Contester

Vient ensuite la réflexion sur le nucléaire et sur la montagne de mensonges ou non-dits qui l’accompagnent. Comment expliquer les ahurissants défauts de conception de la centrale (les groupes électrogènes de secours étaient installés à moins de 10 mètres au-dessus du niveau de la mer !), l’impréparation à un tsunami majeur dans cette région dangereuse, les moyens dérisoires inventés par les techniciens pour endiguer la radioactivité ? Là encore, le récit de Ferrier est saisissant. Il raconte comment les autorités lancent des chiffres que personne ne comprend, les oscillations dans leurs décisions (évacuation à 3 km, puis à 20…), le déploiement discret d’un corps de marines américains spécialisé dans les incidents biochimiques… « Le plus frappant, dit-il, c’est l’extraordinaire contraste entre le discours officiel des promoteurs de l’industrie nucléaire et la réalité de ce qu’on peut constater empiriquement sur le terrain ». De fait, sur place, la région ressemble clairement à une zone de guerre. D’ailleurs, les familles des soldats (plus exactement des « troupes d’autodéfense », le Japon n’ayant plus d’armée officielle depuis 1945) tués sur site reçoivent 90 millions de yens, comme ceux d’Irak ou de Somalie… Ce sentiment d’être dans une zone de guerre est partagé par l’américain William T. Vollmann, qui se rend sur place peu après la catastrophe pour se faire son idée, armé d’un dosimètre et de protections dérisoires. Son périple le mène de Tokyo à la région de Fukushima, où il photographie les immeubles dévastés et interroge les habitants. Lui aussi est frappé par la langue de bois servie des autorités : « La sidérante capacité de l’officiel japonais à ne dire absolument rien n’a d’égal que l’absurde degré de confiance que le grand public place en lui ». Très gonzo et subjectif, son court reportage, Fukushima, dans la zone interdite, présente un intérêt limité mais n’en contient pas moins quelques détails et observations impressionnants.


Transformer

Enfin, au-delà du débat sur le nucléaire, un troisième niveau de réflexion se dessine, mis en exergue dès le printemps par Haruki Murakami, notamment. Recevant un prix en Catalogne en juin 2011, il explique dans son discours qu’au-delà de la reconstruction matérielle, le Japon doit aussi envisager « la régénération de l’éthique et des modèles », un « travail sobre et silencieux qui nécessite de l’endurance », comme si le tsunami avait révélé une crise de civilisation, une crise de la modernité. C’est aussi le sentiment de Yoko Tadawa dans les conférences qu’elle donne à Hambourg en mai 2011 et dont elle a tiré un livre, Journal des jours tremblants : 60 ans après Hiroshima, Fukushima marque peut-être un tournant dans l’histoire du Japon, et remet en question ses rapports avec l’Occident et la modernité productiviste. Ainsi qu’avec sa propre histoire militaire, le gouvernement ayant peut-être caché les vraies raisons de son choix du nucléaire civil : « En renonçant à l’énergie atomique, on se couperait totalement du développement de la technique nucléaire. Telle serait la raison pour laquelle le gouvernement mise tant sur le maintien des centrales nucléaires. Tant qu’il y aurait des centrales nucléaires, il serait possible de développer légalement la technique nucléaire et la voie de la fabrication des armes nucléaires resterait ouverte »… Une référence commune émerge dans ce débat : les fameuses Notes sur Hiroshima de Kenzaburo Oé (1965), patriarche de la littérature nippone, très engagé depuis un an dans la critique du nucléaire. Le rapprochement Hiroshima / Fukushima est ainsi dans toutes les têtes, avec la charge philosophique et existentielle qu’il implique. C’est peut-être l’aspect le plus frappant parmi les conséquences de la catastrophe, et qui portera le plus loin : le vaste changement moral en cours, et l’optimisme paradoxal qu’il peut inspirer. Ainsi Michaël Ferrier se voit-il répondre par Monsieur K., héroïque travailleur parachuté en pleine zone pour oeuvrer sur la centrale détruite : « Dites-leur bien : pleurer ne sert à rien. Si nous sommes en enfer maintenant, tout ce que nous pouvons faire, c’est de remonter à tâtons vers la surface ».

Par Bernard Quiriny - Le 12/03/2012

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Lire :
Fukushima, récit d’un désastre, de Michaël Ferrier, éd. Gallimard, 263 p., 18,50€.
Fukushima, dans la zone interdite, de William T. Vollmann, éd. Tristram, 90 p., 9,80€.
Journal des jours tremblants, de Yoko Tadawa, éd. Verdier, 120 p., 13 €.
L’archipel des séismes, dirigé par Corinne Quentin et Cécile Sakai, éd. Philippe Picquier, 240 p., 9€.

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